Voilà longtemps que je souhaitais lire le livre de Victoire Maçon Dauxerre. A l’époque de sa sortie je me souviens avoir vue cette dernière en assurer la promotion sur les plateaux télés et dans la presse, et avoir pensé à l’hypocrisie de ces journaux et magazines qui lui accordait une page d’interview pour ensuite remplir le reste de leurs papiers de photos de jeunes femmes tellement minces qu’on se demande si ce n’est pas une publicité pour l’anorexie.

La vérité c’est qu’en dehors de quelques fashionistas et autres victimes de la mode qui vivent par procuration, très peu de femmes s’identifient aux mannequins qui défilent sur les podiums, et on les regarde au mieux avec indifférence lorsque leurs corps si maigres servent de tremplin pour qu’un journaliste de seconde zone puisse écrire son article sur le thème « perdez 3 kilos avant l’été ! », comme s’il suffisait de ne perdre que 3 kilos pour leur ressembler, à ces jeunes femmes qui semblent venir d’un autre monde. Alors, quand on est bien dans sa tête, on tourne la page, et on ne s’en soucie pas plus que ça.

Et on ne se demande pas ce qui se passe pour elles, ces jeunes femmes qu’on nous érige en modèle à suivre.

Victoire Maçon Dauxerre met un grand coup de pied dans la fourmilière avec son livre, écrit à partir du journal qu’elle tenait à l’époque des faits, en nous emmenant avec elle dans les coulisses d’un autre monde, celui de la mode. C’est l’histoire d’une jeune fille qui est remarquée dans la rue par le recruteur d’une grande agence, et qui va tenter sa chance moins par envie que par peur que toutes ses autres options ne débouchent sur rien.

Elle voulait faire des études, ou devenir comédienne, mais c’est le mannequinat qui lui ouvre ses portes, alors elle s’engouffre dans ce milieu avec tout le perfectionnisme qui la caractérise et elle bosse comme une folle jusqu‘à devenir une autre, l’ombre d’elle-même. Elle s’efface derrière l’image que l’on veut qu’elle soit…

Elle perd beaucoup de poids, et hormis sa famille qu’elle ne peut voir que si peu, personne ne semble s’en préoccuper. C’est un milieu où les femmes ne sont que des cintres pour les vêtements, et visiblement une donnée négligeable pour trop de créateurs qui les poussent dans le dos sans un mot ni un regard, comme des bêtes, pour qu’elles marchent. Sois belle et tais-toi.

On tourne les pages et on se dit « Mais c’est pas vrai ?! Pourquoi rester ?! » et puis on comprend que derrière les images il y a des personnes bien réelles, avec des fêlures.

Dans le cas de Victoire, c’est sûrement un mélange de besoin d’exister dans le regard des autres et de réussir pour s’assurer de sa propre valeur. Dieu merci elle avait le bon sens de sa famille quand elle-même n’était plus capable de penser entre deux malaises.

Mais quid des autres ? Beaucoup d’autres mannequins sont recrutées dans des pays où elles n’ont aucun avenir et le mannequinat est pour elles une porte de sortie pour éviter à leur famille une vie dans la pauvreté. Alors elles sont de bons petits soldats, elles font ce qu’on leur dit et elles le font en silence.

C’est une lecture très étrange ; j’ai refermé ce livre en me sentant soulagée que Victoire soit sortie de là, du milieu de la mode… perplexe aussi en repensant au fait que certains mannequins célèbres postent encore aujourd’hui des photos d’elles devant des burgers ou des pizzas (qu’elles ne mangent sûrement pas) et que le public qui y est le plus sensible est tellement jeune. Combien de gamines vont-elles tourner des vidéos sur le thème « J’ai mangé pendant une semaine comme untel mannequin !!! » et vont contribuer à déclencher une anorexie ? Et tout ça pour atteindre un idéal qui n’existe pas, ou alors juste dans la tête de créateurs un peu cinglés et déconnectés du monde réel. Tristesse immense aussi en repensant au fait que ce livre date de 2016 et qu’il est pourtant toujours d’actualité.

Je vous laisse avec une vidéo de l’émission « Mille et une vies » à laquelle l’auteure de ce livre a participé :

Et sur le même thème, d’autres jeunes femmes raconte l’enfer d’un milieu de la mode tellement malsain et propice à l’anorexie :

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