Marcel Pagnol fait partie de ces monuments de la littérature française dont le nom ne fait grimacer ni les enfants, ni les adultes. Et pour cause, c’est un peu notre madeleine de Proust : qui n’a pas lu ses souvenirs d’enfance et cru entendre les cigales ? Pour beaucoup d’entre nous, Pagnol, c’est le petit Marcel qui courait dans les collines et qui savait si bien décrire le sentiment de résignation absolue qui s’empare de tous les enfants lorsque les vacances s’achèvent et qu’il faut retourner à l’école. Mais réduire Pagnol à ses aventures de jeunesse, c’est passer à côté d’une grande partie du personnage.
L’enfance de Marcel Pagnol

Né en Février 1895 à Aubagne où sa famille ne vivra finalement que deux ans, Marcel Pagnol voue très vite à sa mère Augustine un amour absolu qui ne se démentira jamais. Son père, Joseph, est plus strict, il est instituteur, et si plus tard Marcel le mettra en lumière dans La Gloire de mon père, ils ont tout de même entretenu des rapports tendus pendant une grande partie de la vie de Marcel Pagnol.
L’enfance est idyllique, jusqu’à ce qu’Augustine décède, à l’âge de 36 ans, épuisée après une grossesse difficile. Comme il est de coutume à l’époque, Joseph ne tarde pas à se remettre en couple, et Marcel le vit comme une trahison à la mémoire de sa mère. C’est un grand romantique, il tombe lui-même amoureux de Simonne Colin et l’épouse quelques jours seulement après sa majorité, bien que Joseph soit contre cette relation. Mais Marcel est un passionné et il écoute autant son cœur dans sa vie sentimentale que son intuition dans ses ambitions professionnelles.
Le début de la vie adulte
Il quitte le Sud pour s’installer à Paris où il enseigne l’Anglais au lycée Condorcet, tout en commençant à se créer des amitiés dans le milieu artistique. Il se lance dans l’écriture pour le théâtre. Un vaudeville lui vaut un succès d’estime, le public ne le suit pas pour sa pièce suivante. Pagnol s’obstine, sûr de lui, et quitte l’éducation nationale en 1927 pour se vouer corps et âmes au théâtre. Il a du talent, il a du génie, il finit par rencontrer le succès tant désiré, avec Topaze en 1928 , puis Marius en 1929, mais il le paie au prix fort : sa relation avec son épouse vire au cauchemar et ils se séparent. Il retrouve vite l’amour dans les bras de Kitty Murphy, une jeune anglaise qui lui donnera un fils prénommé Jacques en 1930.
En 1931, la carrière de Marcel Pagnol change subtilement de cap. Il a accepté que sa pièce Marius soit adaptée au cinéma et a habilement négocié un pourcentage sur les recettes, tout en s’assurant que la troupe originale soit au casting. C’est un succès phénoménal en France mais aussi à l’étranger! Le public veut une suite, Fanny voit donc le jour au théâtre, deuxième volet de cette trilogie Marseillaise. La Paramount se passe de son accord pour acheter les droits d’adaptation de Topaze et fait de lui au passage un homme riche. Il investit son argent dans la création de sa propre société de production.
Un bonheur de courte durée

Le décès de Paul
Sur le plan professionnel, tout va pour le mieux. Sur le plan privé, Pagnol vit en cet été 1932 un drame personnel dont il ne se remettra jamais. Son frère cadet, Paul, souffre depuis longtemps de crises d’épilepsie qui sont de plus en plus violentes et fréquentes. Il est épuisé. Marcel qui en a les moyens insiste auprès de celui-ci pour qu’il consulte un spécialiste de la question en Belgique. Paul est opéré, il semble que l’opération soit un succès mais au cours de la nuit suivante, il fait une hémorragie interne et décède à l’âge de 34 ans. C’est Marcel, abasourdi par le poids de sa culpabilité, qui en fera l’annonce à son père.
Il se noie dans le travail et concentre tous ses efforts sur le cinéma, adaptant les œuvres d’autres écrivains mais aussi les siennes. Il enchaîne les succès comme les amours (Orane Demazis et Yvonne Pouperon) et les enfants (Jean-Pierre et Francine).
La guerre
La guerre passe par là et Pagnol refuse que les Allemands retouchent son dernier film qu’il préfère massacrer devant un huissier plutôt que de le leur céder. Il se réfugie ensuite à Monaco. En 1944 il est élu président de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques et y montre son grand cœur en ne cherchant pas à sanctionner les auteurs qui avaient eu moins de scrupules que lui pendant l’occupation allemande. L’année suivante, il renoue avec le bonheur en épousant Jacqueline Bouvier qui lui donnera deux enfants : Frédéric et Estelle. C’est surtout 1946 qui sera à marquer d’une pierre blanche : Marcel Pagnol est élu à l’Académie Française ! Il continue sa carrière cinématographique notamment en faisant sa propre adaptation de Topaze (il estimait la première ratée).
Le décès de sa fille
Sa fille Estelle décède brutalement en 1954 et de l’aveu même de sa femme, après cet événement tragique Pagnol ne fût plus jamais le même homme. Il quitte Monaco et revient à Paris. Il mettra un terme à son activité d’auteur dramatique un an plus tard.
Les souvenirs d’enfance
Il se tourne alors vers ses Souvenirs d’enfance dont il entreprend la rédaction dès 1957 avec La Gloire de mon père qui fût un véritable phénomène en librairie. Un an plus tard, Le Château de ma mère fera partie des meilleures ventes de l’année.
A l’âge de 79 ans, le cancer a raison de lui et l’emporte le 18 avril 1974. Comme une ultime preuve de l’amour qu’il lui portait, Marcel est enterré auprès de sa mère au cimetière marseillais de La Treille, avec sa fille Estelle, pas très loin du caveau où reposent son père Joseph et sa seconde épouse qu’il avait finit par accepter non sans difficultés. Sur sa tombe, cette citation de Virgile : Fontes amicos uxorem dilexit (Il a aimé les sources, ses amis, sa femme).